Après l'Amérique et ses illusions, c'est au tour du mythe de l'espion d'être soudainement déconstruit cette fois par le génial Tsui Hark. Dès le générique de début de Double Team (1996), la désillusion est totale. Aujourd'hui, l'agent secret a pour seule mission de voler un camion prototype dans une usine d'un pays de l'Est. Rôle ingrat et qui ne peut, bien entendu, redorer le blason d'un métier qui ne fait plus autant rêver. En effet, comment rêver devant cet agent aux traits de Van Damme, qui se repose au bord de sa piscine niçoise entre chaque mission? Espion industriel, l'agent s'ennuie et n'aspire qu'au repos. Seul consolation, poursuivre sans cesse son ennemi de toujours, lui aussi transfuge de la guerre froide: le terroriste Stamos (magnifiquement joué par un Mickey Rourke à la dérive). Avec une maestria hallucinante, constance chez ce cinéaste, le film joue avec les codes du film d'espionnage pour mieux les transgresser un à un, se retirant du même coup toute possibilité de succès commercial. Hark va encore plus loin dans la déconstruction du mythe Van Damme en l'amenant cette fois en Chine pour Piège à Hong-Kong (Knock-off - 1997), un film délavé, déconstruit de l'intérieur, dans lequel même la pellicule perd de ses couleurs et de sa propreté. Plus rien ne subsiste sous la caméra du cinéaste revanchard, et les corps comme les objets perdent de leur substance, de leur netteté, balancés qu'ils sont au milieu de scènes d'action proprement stupéfiantes qui s'enchaînent dans un délire incroyable. L'œil torve, le nez dans la coke durant tout le tournage, Van Damme ne se rend pas compte de ce qui se trame sous son nez et accepte l'impensable: se faire fouetter à coups d'anguille dans une scène anthologique. |